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Je vous propose ce mois-ci de vous mettre l’espace d’un instant, dans la tête d’un joueur du HC Sprimont au moment où il se présente face au gardien adverse pour tirer un pénalty…

 

 

DANS LA TETE DES TIREURS D’ELITE…

 

On les surnomme les snipers…  Il faut un sang-froid chirurgical dans cet exercice si particulier des penaltys (jet de sept mètres) qui peuvent se révéler décisifs.

 

Plantons d’abord le décor.

L’objectif ? Une cage de 3 mètres de long pour 2 mètres de hauteur avec, pour la garder, un portier dont la taille avoisine le 1,90 m.

On se rend vite compte que la place est comptée pour envoyer cette balle au fond des filets. Surtout que le tireur n’a pas le temps de réfléchir longtemps à ce qu’il va faire... Le tir doit en effet être effectué trois secondes maximum après le coup de sifflet de l’arbitre avec en face de soi un gardien qui peut avancer jusqu’à la ligne des quatre mètres.

Commence alors un défi psychologique entre les deux joueurs… 

 

Entre Melissa Lupica, Cindy Adam, Lucas Dubuc, Cyril « Tchi » Lurkin et Robin Embrechts , le HC Sprimont ne manque pas d’armes quand il s’agit d’aller se présenter devant le gardien adverse et nos équipes fanion peuvent donc s’appuyer sur cinq spécialistes.

Décryptage et ressentis de ce face-à-face entre un gardien et un tireur avec nos buteurs maison !

 

Melissa Lupica  « au courage » 

« La joueuse jaune et noire est poussée fautivement, l’arbitre siffle, la sanction tombe : une exclusion temporaire et un pénalty. Cindy, notre tireuse, n’est pas présente cette fois-là et personne ne s’avance : j’y vais. C’est là que le duel s’engage... Un instant si bref et pourtant le doute envahit mon esprit : je ne suis pas en réussite ces temps-ci, la gardienne est petite. Je le tente en l’air ? Non trop risqué : si je le mets hors cadre, c’est la honte, mais qu’est-ce que je fais là...

Je m’empare du ballon, je place mon pied à une dizaine de centimètres du trait noir, je fais tourner la balle pleine de colle dans mes mains, je regarde l’arbitre puis la gardienne. Ca y est ! Le coup de sifflet retentit, plus le temps de tergiverser : je tire ! Comme je le pressentais, mon shoot n’est ni puissant, ni bien placé. Mais la chance est de mon côté, le ballon repoussé par le portier adverse revient vers moi, je le saisis au vol et tire à nouveau. Cette deuxième tentative est la bonne, le doute laisse place au soulagement. Mais pas le temps de traîner, il est déjà temps d’aller défendre notre cage, notre gardienne ».

Heureusement, il m’arrive de marquer du premier coup. Les qualités d’un bon tireur de pénalty sont simples : une certaine confiance en soi, de la précision et une dose de sang-froid. On pourrait également penser que l’expérience aide mais en ce qui me concerne, ce n’est pas le cas. J’ai justement tendance à réfléchir plus qu’avant et la qualité de mes shoots est moins bonne. Je vais demander à Marine qu’elle fasse des heures supplémentaires à l’entrainement, histoire que je m’entraîne davantage J

 

 

Cindy Adam « en mode adrénaline » 

« En général, je connais la gardienne adverse. Je l’observe durant l’échauffement afin de voir ses points forts et ses points faibles. Lorsque l’arbitre siffle pénalty et que je m’avance pour le tirer, je me pose 10.000 questions : est-elle plus forte ici ou là, quels gestes fait-elle, faut-il tirer en l’air ou à terre, en puissance ou en deux temps ? Puis, je fais le vide en moi, je tape 3 fois ma cuisse de la main en disant « allez ! ». Je me remets un petit coup de pression et je shoote. Au plus le match est serré, au plus je ressens la pression et moins je me pose de questions. J’ai besoin d’adrénaline et de stress ! Pour marquer un pénalty, il faut être lucide, gérer la pression et le stress. Tu dois aussi connaître et analyser les points forts et les points faibles du keeper adverse ».

 

Lucas Dubuc – 21 ans – « en mode no stress »

« A partir du moment où le pénalty est sifflé, je sais déjà ce que je vais faire. Pour cela, je fais beaucoup attention au gardien pendant le match : connaître ses parades préférées, ses faiblesses. En plus de cela, il y a toujours un combat psychologique avec le gardien. Puisque c’est moi qui dois shooter, j’ai un avantage par rapport à lui car je décide entièrement de mon action. Mais il y a aussi une part de tension, de stress qui intervient si le score est serré. A ce moment, c’est le gardien qui peut avoir un avantage puisque le tireur doit gérer ce facteur en plus. Il faut essayer de rester concentré un maximum sans penser au score pour garder un shoot le plus naturel possible.

Très souvent, avant de m’avancer, je lance le ballon une fois devant moi ou alors, je le frotte contre le sol à l'aide de mon pied pour essuyer la transpiration qui pourrait le faire glisser dans ma main. Ensuite, je dribble une fois avant le coup de sifflet et pour finir, je réalise une feinte car celle-ci me permet de fixer le gardien, de provoquer l’incertitude et d’analyser sa réaction. Il arrive aussi que je n’en fasse pas de façon à surprendre le keeper qui aurait remarqué ce rituel.

Il faut beaucoup de sang-froid pour ne pas se laisser dépasser psychologiquement et aussi être capable de relativiser en cas d’échec… En effet, un match dure 60 minutes et il y a encore du temps pour rattraper notre erreur ou alors, si le temps est compté, il faut savoir se dire que d’autres actions ont aussi influencé le résultat.

Au niveau du shoot, la précision est plus importante que la puissance : un shoot lent mais intelligent aura plus de chances de rentrer dans le but qu’un shoot puissant sur le gardien ou hors cadre… »

 

Cyril « Tchi » Lurkin – 31 ans - « le joueur de poker » 

« Dès que le pénalty est sifflé, je ne regarde que le ballon. J’ai besoin de savoir s’il y a assez de colle ou s’il en faut. Souvent, je fais un petit geste technique du pied ou à la main pour récupérer le ballon. Une façon de me décontracter…

Une fois ce détail réglé, je suis dans de bonnes conditions pour aller tirer.

A ce moment-là, commence le jeu psychologique ! Qui est le gardien ? J’ai du temps ? Arrêt de jeu ?

J’ai toujours apprécié le face à face avec le gardien : le regarder droit dans les yeux en allant jusqu’à la ligne de jet franc et le fixer encore en attendant le coup de sifflet de l’arbitre. Le gardien essaie souvent de déstabiliser en jetant le ballon vers les pieds ou en le laissant dans sa zone pour nous obliger à nous déplacer. Le mieux pour moi est alors qu’un coéquipier se charge de récupérer le ballon… Le keeper peut essayer de fragiliser le joueur par un jeu de regard ou en bougeant dans tous les sens. J’aime jouer, donc ca ne me dérange pas ! Bien au contraire… Souvent, je souris avant et je nargue après avoir marqué !

C’est à ce moment que me viennent les différentes possibilités de shoot. En l’air ou à terre ? A sa gauche ou à sa droite ? La tête ou les jambes ? Une spéciale ou en force ? Tout se décidera à l’instant T…

Avant le shoot, il faut prendre une position confortable face au but et au gardien. En y réfléchissant, je me rends compte que je fais certaines choses avant de poser le pied gauche au sol, prêt à tirer : j’évite de marcher sur les lignes, je fais un ou deux dribbles hors des neuf mètres. Je me lance de façon décidée même si je ne sais pas où je vais shooter ! Je pose le pied gauche devant la ligne en me décalant sur la gauche et je pose quelques dribbles bas assez rapides. Je positionne le ballon dans ma main droite et j’attends le signal des arbitres. C’est à ce moment-là que le choix du shoot se fait : en fonction des réactions du gardien et de son positionnement. Une feinte, deux feintes, trois feintes ou sans feinte !

Pour tirer les pénaltys, il faut du sang-froid, des nerfs, être réactif, avoir une bonne technique de shoot et varier ses tirs. C’est du mental aussi parce qu’avec le jeu d’intimidation du keeper, celui-ci peut à lui tout seul remettre son équipe sur les rails. Et enfin, de la réussite parce qu’il en faut parfois…

 

Robin Embrechts – 21 ans – « au feeling » 

« J’appréhende toujours de tirer un pénalty au début car il faut bien se concentrer ce qui n’est pas mon fort ! Je suis plutôt quelqu’un qui joue au feeling. Enfin soit, quand faut y aller, faut y aller ! J’ai toujours aimé le petit duel de regard avec le gardien quand je m’avance juste avant de mettre mon pied devant la ligne des 7 mètres ! Ça rappelle un peu le Western...  Quand je tire, j’essaye de regarder un maximum le gardien dans les yeux pour qu’il ne suive pas mon regard vers l’endroit où je compte tirer. Je feinte toujours une fois pour voir la réaction du gardien sur la première tentative puis j’adapte mon shoot en fonction. Si je ne sais vraiment pas où tirer, je choisis un coin et je tire de toutes mes forces !

Je n’ai pas spécialement de rituel avant un pénalty, juste peut être un peu faire circuler la balle pleine de colle dans mes mains pour être certain qu’elle soit bien ancrée sur mes doigts avant de tirer.

Je pense que pour être un bon tireur de pénaltys, il faut savoir se concentrer, se mettre dans sa bulle ! Avoir du sang froid et être observateur tout au long du match et de la saison pour analyser les tendances des gardiens adverses ! Et surtout, il faut soi-même ne pas avoir de préférence de shoot car les gardiens adverses aussi font attention à cela ! »

 

Interview: Frédéric Delcourt